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Mbenji , l'île miracle du Malawi ?

Mbenji , l'île miracle du Malawi ?

C’est un bout de terre connu pour ses miracles. Alors qu’ailleurs la pêche est difficile, ses eaux restent généreuses en poissons. Des richesses dues au strict suivi de méthodes ancestrales. 

Il y a des siècles, l’île de Mbenji était habitée à l’année par une population fière d’y vivre. Installés dans des habitations faites d’herbe et de branchages, les gens vivaient confortablement sur ces terres vallonnées au milieu du lac Malawi, qu’ils traversaient pour faire du commerce sur l’autre rive.

Au fil du temps, ces habitants en sont venus à croire que l’île avait quelque chose d’extraordinaire. Les hommes racontaient avoir vu des apparitions – y compris de femmes nues – lors de sorties de pêche. D’autres avaient remarqué qu’à chaque fois que quelqu’un tuait un serpent – une espèce endémique – un violent orage éclatait dans la foulée. Pour apaiser les esprits et préserver la paix, les chefs ont mis en place des sacrifices et instauré de nouvelles coutumes.

Depuis cette époque, beaucoup de choses ont changé. Les descendants des premiers habitants de Mbenji vivent en majorité sur la rive d’en face, à Chikombe, où le commerce est florissant. Mais de nombreuses autres choses restent immuables. La surpêche et la crise climatique frappent d’autres zones du lac Malawi, mais autour de Mbenji les eaux restent poissonneuses, ce que beaucoup attribuent au maintien des traditions établies de longue date et transmises d’une génération à l’autre.

Le 3 avril, des dizaines d’hommes et de garçons se sont rassemblés sur les bords du lac, à la plage de Chikombe. La plupart étaient occupés à réparer leur bateau ou leurs filets. Leurs affaires, dont les outils pour construire des logements de fortune, étaient entassées à côté d’eux. Ils attendaient ce jour avec impatience car en vertu de règles ancestrales, Mbenji est interdite d’accès de décembre à avril. Ils allaient enfin pouvoir y retourner.

À compter de ce jour et pendant huit mois, ces pêcheurs vont vivre sur l’île, désertée un tiers de l’année. Ils feront sans doute quelques allers-retours à terre pour se ravitailler, mais ils seront autosuffisants dans l’ensemble. Des vendeurs de nourriture, de vêtements et d’autres marchandises sont du voyage. Des frigos remplis de boissons fraîches et des vidéos sont même prévus pour divertir les hommes.

Les pêcheurs devront toutefois se plier à des règles strictes. Comme le veut la tradition, Muhammad Magwere présente les consignes sur la plage avant d’embarquer pour le trajet d’une heure trente vers Mbenji. À 50 ans, il est le chef Makanjila, garant de la tradition et messager des dieux. C’est Muhammad Magwere qui a fixé la date de réouverture de l’île en consultant les esprits et les derniers phénomènes météorologiques. Il préside également aux cérémonies du jour.

Un peu plus tôt, il a délégué à des personnes de confiance la réalisation de sacrifices aux esprits insulaires. Il s’adresse maintenant à l’assistance, accompagné de plusieurs conseillers et représentants du ministère de la Pêche et des autorités locales. Il souligne que sur l’île, les animaux et les oiseaux multicolores coexistent avec les humains. Il est interdit de tuer toute créature vivante, y compris les serpents. Voler, boire de l’alcool et fumer sont aussi passibles d’expulsion pour toute la saison de pêche. Enfin, aucune femme n’a le droit d’être là.

Depuis des siècles, ces principes régissent la gestion de l’écosystème local. “Nous croyons que Dieu a d’abord créé la faune et la flore, puis a créé l’être humain pour en prendre soin, détaille Muhammad Magwere. Nous pensons que ceux qui ne préservent pas la nature auront des comptes à rendre au Créateur.”

Toutes ces règles ont été transmises par nos ancêtres et il y a eu des catastrophes à chaque fois que nous nous en sommes écartés, poursuit-il. Il y a 10 îles sur le lac, mais je peux affirmer fièrement que la nôtre a des réserves abondantes de poisson et que les gens viennent de loin pour en profiter.”

Des fonctionnaires de l’État malawien sont du même avis et qualifient Mbenji d’emblématique. “Ils font ici une gestion participative de la pêche, affirme Kingsley Kamtambe, spécialiste de la question au ministère malawien de l’Agriculture. Nous aimerions reproduire cette démarche dans l’essentiel des régions du Malawi où il y a de la pêche.”

Mbenji , l'île miracle du Malawi ?

Un bateau portant l’inscription Chifundo cha Mulungu (Grâce de Dieu) emmène jusqu’à l’île une trentaine d’hommes et leurs affaires. Ils parlent de nombreux dialectes et langues. N’importe qui peut pêcher autour de Mbenji sur validation d’une commission et les hommes viennent de loin pour profiter de ces eaux poissonneuses.

Asmen Kamanga, 33 ans, a fait 150 km depuis le district de Karonga, au nord du pays, après avoir entendu parler de Mbenji auprès d’autres pêcheurs. Il travaille sur l’île depuis plusieurs saisons et il espère cette fois financer les frais de scolarité de ses enfants, et subvenir aux besoins de sa famille. Même s’il est loin de chez lui une bonne partie de l’année, il explique que ça ne lui manque pas.

“S’il y a une île dans le pays sur laquelle nous pouvons compter pour gagner de l’argent, c’est bien celle-là. Nous avons la belle vie ici et nous avons le droit de partir si besoin. Ici, il n’y a pas de bagarres, d’alcool ou de distractions qui poussent à gaspiller de l’argent. À la fin de la saison, on arrive à gagner jusqu’à un million de kwachas [un peu plus de 1 000 euros] car nous sommes de petits pêcheurs, mais les plus grosses entreprises cumulent des millions.”

Barabado Yahaya, qui siège à la commission de la pêche sur Mbenji, est du même avis : selon lui, il y a plus de 6 000 pêcheurs sur l’île pendant la saison et les bonnes années, les équipages peuvent gagner des millions de kwachas par semaine. “L’île nous a aidés à scolariser des enfants, élever des orphelins, acheter des biens et construire de belles maisons”, détaille-t-il.

Naturellement, tous les Malawiens ne peuvent pas profiter de cette abondance. Comme les femmes sont proscrites sur l’île, 50 % de la population est exclue d’emblée. Certaines jugent cette règle discriminatoire, mais d’autres, comme Esnart Shabu, 35 ans, sont favorables au système. Elle tient à Chikombe un commerce de prêt-à-porter qui est florissant grâce à la pêche. L’interdiction lui convient dans la mesure où elle est donnée par les esprits.

“Nous tirons avantage de l’île de nombreuses façons, en particulier parce que nos maris et fils pêchent là-bas, témoigne-t-elle. Les affaires se portent bien pendant la saison de la pêche et l’argent circule dans la région. Il n’est pas nécessaire d’être sur l’île elle-même pour en bénéficier.”

Si le ministère malawien de la Pêche réussit à reproduire les traditions de Mbenji qui ont permis de protéger l’environnement depuis des siècles, à l’opposé des crises apparues ailleurs en raison des pratiques non durables et du changement climatique, alors le modèle de l’île pourrait profiter à beaucoup d’autres habitants.

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