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La Syrie, le nouvel Afghanistan russe ?

La Syrie, le nouvel Afghanistan russe ?

Le 22 août dernier, le site d’information Turkishnavy.net indiquait ainsi qu’un navire russe de classe Alligator avait franchi le détroit du Bosphore en direction de la Méditerranée. Le navire, identifié depuis comme le navire de débarquement Nikolai Filchenkov appartenant à la flotte russe de la mer noire, transportait du matériel militaire. Or, le même type de matériel a été récemment aperçu dans la province de Lattaquié, lieu de naissance et bastion de l’actuel président syrien qui connaît actuellement une forte offensive des groupes islamistes. La chaîne télévisée d’opposition Syria Net parle même d’une base permanente à Lattaquié pour la flotte russe, cette dernière étant déjà présente à Tartous, plus au sud. Dès lors, on peut véritablement se demander si l’Ukraine n’est plus le seul théâtre d’opération pour la Russie.

Lorsque le conflit a commencé en 2011, la Russie a tout de suite manifesté son soutien au régime de Bachar-al-Assad, son allié de longue date. Ce soutien s’est traduit par l’envoi rapide d’un nombre considérable d’armes et de « spécialistes » sur place. En octobre 2014, les forces rebelles de l’Armée Syrienne Libre ont notamment capturé un centre d’écoute et de communications russo-syrien, qui se situait sur la frontière entre la Syrie et Israël, ainsi que des citoyens russes dont on soupçonne fortement les liens avec la Direction générale des renseignements (GRU) de l’État-Major des forces armées de la Fédération de Russie, le service de renseignement militaire russe.

Les officiels russes n’ont d’ailleurs jamais nié l’envoi d’armes en Syrie, ni la présence de leurs experts, qui entraînent l’armée du régime Assad. Cependant, l’affaire prend une nouvelle ampleur en novembre 2013 quand le journal de Saint-Pétersbourg Fontanka publie une interview d’un mercenaire du « Corps Slave ». Cet homme, appartenant au bataillon d’environ 300 personnes, déclare avoir protégé des puits de pétrole en Syrie. Ce témoignage laisse alors penser que la présence militaire russe en Syrie pourrait aller au-delà du soutien habituel en armes et en experts militaires.

La Russie apparaît donc engagée dans une opération de sauvetage du régime de Damas. La présence militaire russe à Lattaquié pourrait avoir pour objectif la défense de cette région stratégiquement importante. La Russie pourrait ainsi prendre la tête de la lutte armée contre l’EI, alors même que la France semble en train d’envisager l’éventualité d’une intervention aérienne contre le groupe terroriste. Contrairement aux pays occidentaux, le président Poutine dispose quant à lui d’une liberté de manœuvre plus importante sur la question syrienne. Il n’est pas retenu par un quelconque parlement qui lui serait hostile ou par une opinion publique internationale.

La Syrie, le nouvel Afghanistan russe ?

Or, le conflit syrien prend ce tournant juste avant la prochaine session plénière de l’Assemblée générale des Nations unies, prévue pour le 15 septembre 2015. Le président russe Vladimir Poutine avait déjà déclaré qu’il serait présent à cette assemblée pour donner un grand discours. Lors des négociations qui auront certainement lieu sur place, il pourrait donc proposer un échange : la destruction de l’EI par ses soins en échange de concessions occidentales sur la question ukrainienne. La Russie (suivie diplomatiquement par la Chine) n’a pas digéré la « liquidation » de son partenaire libyen Mouammar Kadhafi par une intervention de l’ONU qui a, selon elle, été détournée pour servir les intérêts occidentaux. C’est pourquoi la Russie bloque toute résolution de l’ONU condamnant le régime syrien. Moscou s’est résolument engagé dans le soutien à Bachar Al-Assad pour une triple raison : il s’agit de conserver la seule base navale à l’étranger dont la Russie dispose (dans le port syrien de Tartous) ; de conserver un partenaire économique majeur (la Syrie est notamment un acquéreur important d’armes russes) ; et enfin d’éviter l’implantation d’un nouveau foyer islamiste qui se rapprocherait du Caucase. En vendant à la Syrie un grand nombre d’armes et munitions à crédit mais également en lui fournissant des renseignements décisifs sur les positions et stratégies rebelles, la Russie est devenue pleinement impliquée dans le conflit syrien. Bachar el-Assad est confronté tout de même à un gros problème quant aux effectifs de son armée, qui est le dernier pilier du régime. Il a ainsi mobilisé tout ce qui était mobilisable et n’a donc plus la possibilité d’élargir sa base sociale. Quant à la communauté alaouite (environ 10% de la population) dans laquelle il puise ses forces vives, elle est à bout de souffle. «Nous sommes obligés, dans certaines circonstances, d’abandonner certaines régions pour transporter nos troupes vers la région à laquelle nous sommes attachés», a reconnu le dictateur le dimanche 26 juillet dans le discours où il reconnaissait «la fatigue» de son armée.

D’où l’amnistie promise par le président syrien aux déserteurs – ils sont 70 000 à s’être soustraits à leurs obligations militaires, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme – s’ils regagnaient leur affectation. «En fait, souligne un expert de la Syrie travaillant pour un grand groupe de réflexion américain, l’armée syrienne a cessé d’être une armée nationale, même si elle se conçoit toujours comme telle. Elle est faible dès qu’il s’agit de mettre en œuvre une stratégie. Elle s’accroche aux territoires restés sous son contrôle, mais ne cherche plus à reconquérir ceux qu’elle a perdus au profit de la rébellion, consentant seulement des sacrifices pour maintenir des enclaves [des bases, en général] dans les régions perdues.»

L’opposition n’a pas ce problème: ses effectifs progressent sans cesse, en particulier grâce à l’afflux de volontaires étrangers venus faire le djihad. En même temps, les différents groupes de l’opposition armée commencent à mieux se coordonner – hors l’Etat islamique, qui fait en général cavalier seul – et à former des coalitions, comme le montre la création de l’Armée de la conquête, qui regroupe les principaux groupes islamistes dans le nord. La chance du régime, c’est que les formations les plus radicales, comme le Front Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaida et l’un des moteurs de l’Armée de la conquête, ne montrent toujours aucune tolérance à l’égard des groupes modérés ou pro-occidentaux. Dans l’est, on voit aussi une certaine coordination se faire jour dans les opérations menées par la force créée par les Etats-Unis et la Jordanie.

La Syrie, le nouvel Afghanistan russe ?

Or, contrairement à ce que les destructions massives et les vastes mouvements de population peuvent laisser croire, peu de forces sont engagées en Syrie. La guerre qui s’y déroule est en fait un conflit de très basse intensité où quelques centaines de combattants de plus peuvent faire la différence sur le champ de bataille.

Confronté à une lente usure de ses forces armées, le régime, qui se refuse toujours à envisager la moindre négociation, n’a pas grand choix. Il doit sans cesse reculer. Il ne cache plus désormais que sa priorité est de défendre la Syrie utile, soit la côte méditerranéenne, Damas, et l’axe qui les réunit, via les grandes villes de Homs et Hama. En même temps, il lui faut encore compter davantage sur ses alliés, en particulier le Hezbollah et l’Iran. Le récent discours du président syrien apparaît d’ailleurs comme un appel à l’aide afin qu’ils s’impliquent davantage. Mais la médaille a son revers: «Plus ceux-ci s’engagent aux côtés de Bachar el-Assad, plus ils l’affaiblissent en réalité. Téhéran le tient désormais à bout de bras et se substitue de plus en plus à lui. Conséquence: il y a désormais une ligne de fracture entre le régime qui se croit encore un Etat, et l’Iran qui le considère comme un simple acteur du conflit», poursuit l’expert américain.

Même au sein de la communauté alaouite, qui a pourtant le dos au mur, Téhéran suscite une certaine méfiance, peut-être parce que son appui au régime ne s’est accompagné d’aucune aide humanitaire ni de la moindre empathie en faveur de la population.

De son côté, le Hezbollah apparaît de plus en plus aspiré par la guerre en Syrie, qui l’oblige à mobiliser des renforts – ils seraient à présent entre 8000 et 10 000. Tous ces combattants libanais ne suffisent d’ailleurs plus. D’où la présence dans les forces loyalistes de centaines de volontaires hazaras, une communauté chiite d’Afghanistan, recrutés à vil prix en Iran, où ils exercent les métiers les plus pénibles. Ils composent la Brigade des Fatimides et le régiment Baqiyat Allah. A leurs côtés, on trouve des chiites pakistanais et même des houthistes yéménites – le régiment Saada – jusqu’à l’attaque, en mars, du Yémen par Riyad.

L’aide militaire russe, voire l’arrivée de troupes russes sur le sol syrien, est donc une nécessaire embellie pour le régime syrien.

Avec des forces loyalistes qui s’affaiblissent, une rébellion qui est loin d’avoir gagné et reste déchirée, un Etat islamique qui occupe un tiers du pays et gagne aussi du terrain, un président syrien qui refuse d’engager des négociations tant que l’opposition demandera comme préalable son départ, la Syrie s’enfonce dans une triple impasse: militaire, diplomatique et humanitaire. Avec une partition de facto, dont on peut douter qu’elle soit une solution: même en pays alaouite, les sunnites sont nombreux, en particulier dans les villes. Ils seraient même aujour­d’hui majoritaires à Lattaquié, la capitale de l’éphémère Etat des Alaouites sous mandat français.

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