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Daech aux portes de Khartoum ?

Daech aux portes de Khartoum ?

Les daechistes atteindront bientôt le Soudan, a déclaré, un quotidien arabe de publication londonienne. Les politiques que pratique le Parti au pouvoir au Soudan, est telle que les activités des groupes salafistes-takfiris semblent légitimes, a ajouté, ce quotidien.
Les services de sécurités soudanais ont récemment arrêté un noyau lié à Daech dans ville de Bourtosoudan. Le noyau était composé de 3 soudanais et érythréens tous arrêtés dans zone de transit de Bourtosoudan, a rapporté le quotidien extrarégional al-Arab de publication londonienne. La ville de Bourtosoudan est le chef-lieu de la province de Bahr el-Ahmar, située dans l’Est du Soudan. Bourtosoudan est une ville côtière. Les forces de sécurité ont arrêté ces 3 personnes qui étaient en possession d’explosif. Elles les ont emmenés à Khartoum pour leur faire subir un interrogatoire. Récemment, des informations ont été diffusées sur l’adhésion des universitaires soudanais aux groupes terroristes en Syrie et en Irak cependant Khartoum ferme ses yeux sur cette question. La ministre soudanaise de l’enseignement supérieur a annoncé en mai que des groupes inconnus d’étudiants avaient l’intention de rejoindre Daech. Elle a également mis en garde contre les autres gens de la société qui ont rejoint ce groupe terroriste.
Selon les rapports diffusés récemment par les occidentaux le nombre de soudanais qui rejoignent Daech est en augmentation. Au total 70 jeunes Soudanais se sont rendus en Syrie et en Libye pour rejoindre les rangs du groupe terroriste «Daech, a affirmé lundi le ministre soudanais de l'Intérieur Ismat Abdel Rahmane.
Plusieurs groupes d'étudiants du Soudan, certains détenteurs de passeports occidentaux, se sont rendus en Syrie via la Turquie pour combattre avec «Daech» selon des médias, mais c'est la première fois que les autorités soudanaises donnent un chiffre précis.
«Le nombre total de jeunes femmes et jeunes hommes qui ont quitté le pays pour rallier Daech a atteint 70», a dit M. Abdel Rahmane lors d'une conférence de presse à Khartoum.
Il a précisé que son pays, en coordination avec le gouvernement turc, avait réussi à empêcher plusieurs personnes de rejoindre l'organisation terroriste qui sévit en Irak, en Syrie et en Libye.
Les services de sécurité et de l'éducation ont lancé une campagne de sensibilisation pour prévenir les jeunes soudanais d'aller combattre avec le groupe extrémiste, a-t-il ajouté.
En juin, douze étudiants, dont des Britanniques et des Canadiens, auraient quitté l'université de Sciences médicales et de Technologie à Khartoum pour la Turquie afin de rejoindre «Daech» en Syrie. Un autre groupe de neuf étudiants Britanniques d'origine soudanaise inscrits à la même université auraient fait de même. Le Soudan est traditionnellement décrit comme étant à la fois le plus arabe des pays africains et le plus africain des pays arabes. La situation de carrefour de sa capitale, Khartoum, à la confluence des deux Nil, le Blanc et le Bleu, n’a pu que renforcer ces métaphores politico-géographiques. Il est pourtant un autre entre-deux que le système soudanais pratique, celui de l’autoritarisme et de l’islamisme, dont la « synthèse » a longtemps constitué la spécificité du régime local.
C’est en avril 1985 que le Soudan a connu son « printemps », un quart de siècle avant les autres pays arabes. Il est vrai que Gaffar Nimeiry, dictateur au pouvoir depuis mai 1969, avait été tristement à l’avant-garde de la « reconversion » islamiste du despotisme arabe : ce militaire, inspiré initialement par Nasser et le nationalisme supposé « progressiste », avait pactisé ensuite avec les fondamentalistes et imposé en septembre 1983 un code pénal aux dispositions moyenâgeuses. Le théologien libéral Mahmoud Taha, fondateur des « Frères républicains » (en opposition explicite aux « Frères musulmans »), avait alors accusé Nimeiry de « défigurer la charia et l’Islam au point de les rendre repoussants ». Jugé en janvier 1985 pour apostasie dans un procès où il refuse de comparaître, Taha est condamné à mort par pendaison. Trois mois après l’exécution de cette sentence, le régime Nimeiry est balayé par une grève générale, sur fond d’émeutes protestataires.
Comme dans l’Egypte de février 2011, c’est une junte militaire qui renverse le dictateur. Mais, à la différence de l’après-Moubarak, les généraux putschistes tiennent leur promesse d’une transition effective et ils transmettent le pouvoir à un gouvernement civil, issu d’élections libres, en avril 1986. Cette expérience démocratique dure à peine plus de trois ans, minée qu’elle est par la reprise de la guerre au Sud-Soudan, ainsi que par le travail de sape de l’Egypte de Moubarak et des islamistes locaux, alliés dans leur hostilité au « printemps » soudanais.
Le général Omar al-Bachir opère un coup d’Etat en juin 1989 et l’Egypte est le premier pays à reconnaître le nouveau régime « militaro-islamiste ». Moubarak se repentira ensuite d’avoir ainsi accordé un soutien décisif à la junte de Khartoum, qui accueille Oussama Ben Laden et Al-Qaida, lors de leur tentative d’attentat de 1995 contre le président égyptien. Mais les exportations pétrolières en progression à partir de 1999 assurent aux dirigeants soudanais de confortables ressources aux fins de consolider leur répression intérieure et de supporter les sanctions extérieures.
C’est ainsi que Bachir s’accroche au pouvoir jusqu’à aujourd’hui, malgré sa condamnation par la Cour pénale internationale en 2009 pour « crimes contre l’humanité » au Darfour. Ni l’indépendance du Sud-Soudan en 2011, ni la vague de contestation de 2012-13 ne déstabilisent sérieusement un régime qui s’est débarrassé de ses alliés islamistes les plus flamboyants pour ne conserver qu’un « Mouvement islamiste » aux ordres. Quant aux milices tribales qui ont sévi précédemment au Darfour, elles peuvent être désormais utilisées dans la répression des manifestations à Khartoum même.
Il est éclairant d’observer dans la capitale un régime dont le discours islamiste masque de moins en moins l’obsession sécuritaire. La zone mitoyenne de l’aéroport abrite le complexe militaire (ministère de la Défense et Etats-Majors des trois armes) dans lequel est encastré le Palais des Hôtes. Les services de renseignement (NISS/National Intelligence and Security Services), directement rattachés à la Présidence, trônent en centre-ville dans un immeuble… de verre, auprès duquel le ministère de l’Intérieur, en bordure de Nil, fait figure de parent pauvre.
Cette prégnance des services, désignés en arabe par le terme de moukhabarates, s’accompagne d’une extrême vigilance envers la menace jihadiste. En l’absence de toute statistique fiable, il semblerait que le Soudan soit un des pays arabes les moins touchés par la vague régionale de recrutement par Daech. Le départ pour le jihad syrien en juillet dernier d’une douzaine d’étudiants soudanais (dont dix porteurs de passeports anglo-saxons) n’en a que plus défrayé la chronique locale. Et même dans la Libye toute proche, un seul kamikaze soudanais a été identifié comme tel au sein de Daech.
Les moukhabarates soudanais jouent à l’évidence au chat et à la souris avec les groupuscules jihadistes implantés sur leur territoire, alternant répression et neutralisation. Ainsi, lors de la publication de la « une » « Tout est pardonné » de Charlie Hebdo après l’attentat de janvier 2015, la manifestation de protestation anti-française, prévue à Khartoum, a été tuée dans l’œuf par les services de sécurité. Au même moment, dans le Niger voisin, dix personnes étaient tuées dans des émeutes qui visaient aussi bien les lieux de culte chrétiens que les symboles français.

Daech aux portes de Khartoum ?

Une dialectique aussi complexe entre régime « militaro-islamiste » et franges jihadistes est naturellement digne de réflexion. C’est cependant du côté du rapport d’une société civile profondément religieuse avec un tel régime que le Soudan présente peut-être l’originalité la plus forte. Un éventail très large de formations « islamiques » échappe au contrôle d’un régime qui a pourtant mis le « Mouvement islamique » au cœur de sa mobilisation de masse. Cet éventail va des « Frères républicains » (dont la critique radicale des « lois islamiques » a, nous l’avons vu, coûté la vie en 1985 au théologien Mahmoud Taha) jusqu’au salafisme rigoriste des Ansar al-Sunna (Partisans de la Sunna). Ces tenants soudanais du wahhabisme d’inspiration saoudienne mènent une campagne agressive, entre autres sur les campus, contre la « laïcité », assimilée à la pire trahison de l’Islam. Mais ces salafistes sont eux–mêmes accusés d’impiété par des extrémistes tentés par l’exil (hijra) intérieur, qui se constituent en communautés coupées du monde, et supposées régies par la seule loi divine.
Cette extrême diversité du champ islamique non-gouvernemental au Soudan doit aussi intégrer les différentes dissidences des Frères musulmans, que l’exercice du pouvoir « militaro-islamiste » a rejetées dans une opposition plus ou moins ouverte. Enfin, il convient de prendre en considération l’action, dans un pays aussi pauvre, des bailleurs de fonds du Golfe : ceux-ci peuvent être liés aux pétromonarchies (à titre officiel ou privé) ou appartenir au million de Soudanais installés dans la Péninsule arabique. Là encore, rien n’est joué par avance, certains expatriés étant devenus des wahhabites conséquents, d’autres s’employant au contraire à cultiver une spiritualité soufie, volontiers qualifiée d’« hérétique » par les salafistes. Un quart de siècle de dictature « militaro-islamiste » et de prédication lourdement financée du salafisme ont en effet été incapables de réduire l’immense popularité du soufisme au Soudan. Si dynamisme et résilience de la société civile il y a au Soudan, c’est également dans cette direction qu’il doit être recherché : chaque confrérie (tariqa), au-delà de ses activités religieuses proprement dites, anime un réseau d’associations caritatives, sociales, culturelles, voire économiques, ce qui peut permettre d’oser l’expression de « société civile islamique ».
Un des lieux privilégiés d’observation d’une telle « offre » confrérique est le grand rassemblement qui se tient à Omdurman, sur la rive gauche du Nil, à l’occasion du mouled. Cet « anniversaire » du Prophète Mohammed coïncidait en 2015 avec la Noël chrétienne. Rappelons que les salafistes de toutes obédiences proscrivent une telle célébration, qui est d’ailleurs interdite en Arabie saoudite. Et le festival d’Omdurman se tient en face de la tombe du Mahdi, le héros national qui, en s’emparant de Khartoum en 1885, a secoué la tutelle conjointe de l’Angleterre « chrétienne » et de l’Egypte « musulmane ». Dans ce Soudan où un code pénal « islamique » a été instauré dès 1983 et remis en vigueur par l’actuel régime en 1991, il est fascinant de constater que le débat sur la charia n’a été tranché au profit d’aucune de ses interprétations, depuis la plus libérale (celle des Frères Républicains) jusqu’à la plus intransigeante (celle des salafistes). L’essentiel n’est cependant pas d’opposer, comme c’est trop souvent le cas, un soufisme « modéré » à un islamisme « radical ». Mieux vaut sans doute réfléchir à la résistance déployée par la piété populaire, sous des formes très hétérogènes, à la fois à un Islam d’Etat et à un salafisme importé. Daech parviendra-t-il à s’imposer dans cette société si diverse ?

Daech aux portes de Khartoum ?
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