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Le changement climatique à l'origine de la création de Boko Haram ?

Le changement climatique à l'origine de la création de Boko Haram ?

Boko Haram est jugé responsable de la mort d’au moins 15 000 personnes depuis 2009. Un bilan que vient alourdir régulièrement la découverte de nouveaux charniers dans les villes reprises au groupe. De plus, rien qu’en 2015, plus de 80 attentats en lien avec la secte ont été référencés par les organisations de défense des droits fondamentaux, comme Human Right Watch ou Amnesty International. Ils ont été perpétrés contre des commissariats de police, des installations militaires, des églises, des écoles, des exploitations agricoles et des banques. Par ailleurs, ces attentats ont forcé plusieurs milliers d’enfants, surtout des filles, à quitter le système scolaire et incité 19 000 agriculteurs à fuir leurs exploitations, « ce qui a entraîné une perte de productivité agricole et a contribué aux pénuries alimentaires ».

On peut faire remonter la situation actuelle à 2009 : une manifestation importante a lieu à Maiduguru contre le pouvoir en place, dans le nord-est du pays. Celui-ci est accusé de mal redistribuer les richesses issues de l’industrie pétrolière, en délaissant le nord pour investir dans le sud. Ainsi, les deux villes les plus importantes du pays sur le plan économique se situent sur la côte atlantique : Lagos et Port Harcourt.

Première erreur du gouvernement nigérian de Goodluck Jonathan : la manifestation est violemment réprimée par l’armée nigériane. Le fondateur de Boko Haram, Mohammed Yusuf, est tué. Son lieutenant, Aboubakar Shekan, prend alors la tête de la secte. Il est partisan de l’utilisation de méthodes terroristes.

Entre 2011 et 2012, le pays connaît une escalade de violence, qui se répand partout dans le nord du Nigeria. La répression policière est violente et souvent aveugle. Les populations locales se retrouvent alors prises entre deux feux : la répression sauvage des forces nationales et les actions terroristes de Boko Haram contre les « alliés » du gouvernement.

En 2013, l’état d’urgence est décrété dans tout le nord-est du pays. Le gouvernement décide d’instaurer des milices locales pour venir en soutien aux forces de sécurité et faciliter la médiation. Sauf que la secte de Boko Haram en fait un prétexte pour intensifier la persécution des civils. De plus, le gouvernement de Goodluck Jonathan est discrédité par le scandale de la prison de Damatura. On l’appelle parfois le « Guantanamo nigérian » : Amnesty International y a dénoncé de très nombreux cas de torture et de viols par les forces de l’ordre.

Alors que les populations locales perdent de plus en plus confiance dans le gouvernement central, en plus de remettre en cause sa légitimité, le groupe Boko Haram fini par prendre le contrôle de municipalités entières, souvent par la force. Lorsque les villageois tentent de résister, il rase les villages et extermine purement et simplement leurs habitants (massacre de Baga en 2015).

Une partie de l’explication se trouve évidemment dans le cercle vicieux des violences engagé par la répression disproportionnées des forces de l’ordre nigérianes. Mais d’autres causes à l’expansion de Boko Haram peuvent être discernées. Exemple parmi d’autres : le Parlement européen rappelle dans sa résolution au gouvernement nigérian que « les destructions et les dommages causés aux logements, aux infrastructures publiques et aux terres agricoles pendant les conflits sont préjudiciables à la population ». L’armée nigériane doit prêter une attention particulière au bien-être et à la sécurité des civils si le gouvernement veut retrouver un semblant de stabilité. On ne parle cependant ici que de facteurs aggravants des tensions. Ces dernières ont plusieurs origines.

Tout d’abord, à l’échelle nationale. Le Parlement européen déplore une « économie insuffisamment développée » et constate que l’État nigérian ne garantit pas un accès équitable aux ressources. La « redistribution des revenus par l’intermédiaire du budget de l’État » est pourtant une condition indispensable à la prospérité économique et à la paix sociale. Alors que le pays est un des plus gros producteurs mondiaux de pétrole, et le premier d’Afrique, 60% de la population nigériane vit avec moins de un dollar par jour. Or, cette inégalité sociale a tendance à se polariser entre le nord et le sud du pays (qui a accès aux plateformes de pétrole offshore dans l’océan Atlantique).

Une autre fracture nord/sud doit être prise en considération : le nord du pays est majoritairement composé de petits agriculteurs, plus vulnérables aux aléas (fluctuation des prix des denrées alimentaires, phénomènes météorologiques). Or, le nord et le sud du pays se distinguent également sur le plan identitaire et religieux : le nord est plutôt musulman tandis que le sud est plutôt chrétien ou animiste.

Le Parlement européen dénonce les effets de la confusion de ces deux facteurs sur le long-terme : « les tensions trouvent leur origine dans des décennies de ressentiment entre groupes indigènes, principalement chrétiens ou animistes, qui disputent le contrôle des terres agricoles fertiles aux immigrants et aux colons en provenance du nord du pays, musulman et de langue haoussa ».

Comme le remarque le Parlement européen, ces tensions originelles « se trouvent exacerbés par les changements climatiques et l’avancée du désert ». Ce facteur planétaire connaît des répercussions particulières à l’échelle du Nigeria. En effet, il incite les agriculteurs musulmans du nord à abandonner leurs terres qui ne sont plus assez productives pour nourrir la communauté. Ils vont ensuite en accaparer d’autres, toujours plus vers le sud du pays, donc toujours plus « en territoire chrétien ».

Cette situation n’est pas une fatalité : le projet d’une « Grande muraille verte » contre l’avancée du désert le prouve. Lancée officiellement en 2007, cette initiative transcontinentale, réunissant onze pays sahélo-sahariens, a pour objectif de relier l’est à l’ouest du continent par une longue barrière verdoyante de15 kilomètres de large. Elle doit permettre de diminuer la vulnérabilité des populations au changement climatique. C’est une solution dont pourrait s’inspirer le Nigeria, même s’il est vrai que de tels projets nécessitent une réelle prise de conscience, de la volonté et de l’ambition politique.

Le glissement du facteur socio-économique au facteur identitaire est facile à orchestrer, notamment par des discours politiques démagogiques. Au niveau local, l’action d’un groupe terroriste comme Boko Haram, qui va fonder son discours sur les attentes légitimes des populations (meilleure répartition des richesses et sécurité alimentaire) peut facilement effectuer ce glissement. Surtout si en parallèle le groupe se prétend appartenir à une branche (radicale) de l’Islam. C’est la manipulation des besoins des populations locales, et l’usage de la terreur, qui permettent de faire grossir chaque jour les rangs des combattants de Boko Haram.

Ainsi, défendre les agriculteurs du nord du pays contre les inégalités économiques et sociales par rapport au sud, inégalités aggravées par l’avancée du désert due au changement climatique, sans réponse politique adaptée ou audible, devient défendre les musulmans contre les chrétiens et la passivité du gouvernement en place.

Le changement climatique à l'origine de la création de Boko Haram ?

On assiste ici à un emboîtement d’échelles : un facteur mondial (changement climatique), fait dégénérer des tensions à l’échelle nationale (inégalités socio-économiques et ressentiment entre ethnies), qui sont récupérées et détournées à d’autres fins par un groupe local (Boko Haram).

La situation au Nigeria correspond au schéma classique : si et comment le changement climatique contribue à déstabiliser des sociétés et des États dépend d’une absence d’initiative de résilience de la structure politique. L’existence d’une fragilité antérieure (inégalités socio-économiques, conflits identitaires) ne permet pas au Nigeria de répondre au défi climatique de manière apaisée et inclusive.

Le rôle du changement climatique dans ce contexte est celui de la « petite étincelle » : la désertification pousse les populations à migrer. D’une part, elles peuvent venir renforcer le phénomène de l’exode rural, entraînant la formation de ghetto à la périphérie des villes. Les conditions de vie déplorables et l’absence d’opportunités économiques en font facilement des foyers de tensions politiques et sociales. D’autre part, les populations peuvent migrer pour trouver des terres plus fertiles, souvent déjà occupées. Il en résulte soit une parcellisation des terres arables, aggravant la misère, soit son accaparement par la force, créant du ressentiment. Le nombre d’ethnies en Afrique étant très élevé, il n’est pas rare que ces migrations et leurs conséquences entraînent la confrontation de peuplades distinctes. Une situation similaire à celle du Niger se retrouve ainsi en Érythrée ou autour du lac Tchad.

Lorsque les tensions causées par ce premier mouvement migratoire dégénèrent, elles peuvent entraîner des déplacements forcés de population à l’intérieur de leur propre pays, ou des migrations internationales. Les individus fuyant les conflits s’entassent alors dans des camps de réfugiés aux frontières des pays voisins.

Actuellement, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) s’inquiète d’une crise des réfugiés dans la région nigériane : plus de 10 000 nigérians ont déjà fui vers les pays voisins (Niger, Cameroun, Tchad). Le Parlement européen met en garde : « aucun des voisins du Nigeria n’a la capacité d’absorber le nombre de personnes qui pourraient être déplacées dans le cas d’une catastrophe humanitaire de grande ampleur consécutive à des violences généralisées ».

Cette faible capacité d’absorption des réfugiés s’explique, elle aussi, par le changement climatique. C’est le cas notamment du Niger, lui-même en proie à l’insécurité alimentaire en raison de plusieurs années de sécheresse.

Une fois encore, un facteur mondial entraîne des répercussions particulières du fait du contexte local : si le Niger a la capacité de gérer temporairement la diminution de ses ressources alimentaires et hydriques, les réfugiés nigérians pourraient épuiser complètement ces réserves et déstabiliser le pays, entraînant de nouveaux mouvements de migration.

Ainsi, même s’il est impossible de tenir le changement climatique pour seul responsable des conflits en Afrique, il est évident qu’il contraint les communautés jusqu’à leur seuil critique de soutenabilité et entraîne un effet domino ravageur, provoquant l’extension des conflits de l’échelle nationale à l’échelle régionale.

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